Au commencement était le passeport. Une semaine avant, je me souviens très clairement de ce moment, c'est le moment de la Promesse, je lui avais dit : "on va le faire Khalil, on va les faire sortir du pays tes 5 petites soeurs et ta maman" Nous étions dans la cuisine de la . Nous avions organisé une cérémonie improvisée, un baptème champêtre et tendre sous le pommier penché qui ne meurt jamais. Tu devenais le parrain de notre fils, tu étais déjà son grand frère de coeur depuis 8 ans, depuis le moment où je t'avais rencontré un jour glacé de février 2016, sur un campement de fortune devant Beaubourg, tu avais passé la porte de l'appartement, tu es rentré dans notre famille comme ça, avec délicatesse et humour, tu avais 16 ans à l'époque, tu n'as pas tellement changé. 8 ans déjà. Tu me parlais déjà avec ferveur du droit des femmes afghanes. Nous sommes en 2024, nous organisons cette fête avec les amis proches, ce baptème spirituel, c'est joyeux et émouvant, et nous nous prenons à rêver, tous les deux, dans cette cuisine. Nous rêvons que tes petites soeurs soient là elles aussi, avec ta maman, nous rêvons aux plats que nous mangerions, parce que ta maman est une perle culinaire, et qu'elle adore ça, cuisiner, nous rêvons à leurs rires, à leur joie, nous rêvons à un avenir possible pour elles ici, nous rêvons si fort qu'à un moment, ce n'est plus tenable, le rêve doit devenir réalité. je pense alors à Edgar Morin ce grand sage philosophe de 102 ans, qui nous dit : "La vie n'est supportable que si l'on y introduit non pas de l'utopie mais de la poésie, c'est à dire de l'intensité, de la fête, de la joie, de la communion, du bonheur et de l'amour" Alors je prends une inspiration, je mesure parfaitement la portée de la Promesse, la grande aventure humaine qu'elle va enclencher, je sais déjà tous les liens qui vont se tisser, les obstacles, les peurs et les joies. Je le dis en pleine conscience : "On va les faire sortir Khalil. Un jour elles seront là, avec nous, et ce sera le jour le plus merveilleux qui soit" Je le dis parce que malgré tout, malgré tes larges épaules de lutteur, ton titre de champion d'Ile de France , malgré ta magnifique détermination à ce qu'elle soient instruites, qu'elles fassent des études, qu'elle soient indépendantes financièrement, malgré ces 8 années où tu as enchainé 2 boulots pour t'assurer de cela, qu'elles ne soient pas mariées de force, qu'elles aient un avenir, qu'elle ne soient pas l'esclave d'un homme, oh Khalil si tu savais comme je suis bouleversée à chaque fois que tu parles des droits des femmes afghanes, comme c'est beau ton combat viscéral pour protéger tes petites soeurs, les talibans en ont décidé autrement. Aujourd'hui tu arrives au bout de tes forces, qui sont pourtant bien grandes. Si elles ne sortent pas du pays, les 5 petites soeurs de 12, 14, 16, 18 et 22 ans n'ont aucune issue. Tu as tout essayé, tu as payé des cours clandestins qui ont été fermés par les Talibans, et de toutes façons elles n'auront pas le droit de travailler. Tu es le seul garçon encore vivant qui as le pouvoir de refuser le mariage forcé, tu tiens fermement, mais combien temps ? Alors je fais la Promesse et l'Univers l'entend, et tout commence comme ça. Ce qu'il faut d'abord c'est qu'elles aient un passeport. Les talibans empêchent les femmes de sortir en monnayant très cher ce sésame. Si ce n'est qu'une question d'argent, on le trouvera cet argent. C'est cela que je dis. Une semaine après je raconte ma promesse faite à Khalil à un groupe de personnes venues du Québec, de France, de Suisse pour un événement à Paris. Je n'ai aucun plan, aucune idée encore, mais c'est sans compter le puissance du collectif. Immédiatement, la première pierre est posée, je reçois un don. Je suis entourée de femmes et d’hommes incroyables, j'en reviens toujours pas. Il faut ouvrir une cagnotte c’est la première idée. Puis on fera un événement, puis on fera une chaîne solidaire qui traversera les pays. Celles et ceux qui sont là, veulent faire quelque chose ensemble, participer à un rêve, faire ce qui peut sembler une folie. En vérité dans ce climat terrible où rien ne semble possible, où la haine et la violence nous asphyxient chaque jour, je comprends que cela dépasse l'histoire de Khalil et ses soeurs. Nous avons besoin de faire ensemble et de rêver ensemble, nous avons besoin de contrebalancer, nous avons besoin de créer des possibles. c’est donc la première action, une cagnotte. Si nous réunissons l’argent nécessaire et vite, elles pourront obtenir des passeports et quitter le pays de façon sécurisé et légales. Ensuite viendra le moment de solliciter des visas pour être à l’abri. Quelque soit le pays qui voudra bien les accueillir, si c’est la France tant mieux, sinon peu importe pour Khalil, l’essentiel étant qu’elles puissent avoir un avenir possible quelque part sur cette terre. Evidemment, vous l'avez compris, commence là une bien belle histoire d’humanité Vous pouvez en être, toutes les belles Volontés sont bienvenues. Ce n'est que le commencement.
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